La Création comme miroir de l’Âme
Avant toute chose, et comme je l’ai déjà expliqué un peu partout sur ce site, pour moi l’oeuvre est indissociable de son auteur et inversement. A ce titre, observer et s’immerger dans la création artistique d’un autre, c’est goûter un peu de son âme où s’animent archétypes et dynamiques.
En me penchant sur lui, comme c’est le cas pour ce petit article, Alexandre Astier n’échappera pas à ma lecture symbolique de sa production artistique. Astier le dit lui-même « si vous n’aimez pas Kaamelott c’est moi que vous n’aimez pas », il ne fait donc aucun doute qu’il projette combats et dynamiques internes dans son oeuvre, comme tous les artistes authentiques (oui, je lui concède cela malgré tout ce qui va suivre). Par exemple, quand je vois un Lancelot apparaître dans un costume de Serpent (bon, digne d’un méchant de Power Ranger, mais passons), pour moi l’archétype psychique est limpide, ainsi que les forces (alters) à l’oeuvre à un instant T. Et c’est précisément ce qui va nous intéresser ici.
Une dernière précision avant de commencer cette analyse : je ne fais pas dans la punch-line gratuite en surfant sur la vague. Cet article a pour but de partager un point de vue psychique, qui ne date certainement pas de la sortie toute fraîche de son dernier film. Je ne suis d’ailleurs pas allé le voir (ça fait bien longtemps que je ne vais plus au cinéma et, si j’y allais un jour, ce ne serait surement pas pour mater du Astier).
L’objectif n’est donc pas tant de « démolir » l’auteur et son oeuvre, que d’illustrer la pertinence d’une grille de lecture que j’estime salvatrice pour le psychisme, laquelle est ensuite laissée à votre libre appréciation.
Cela étant dit, entrons dans le vif du sujet !
Notre rapport à Kaamelott
Nous avons vraiment découvert cette série en 2011 pour nous y plonger et, sans surprise, Maya a tout de suite accroché. Mais elle ne fut pas la seule et Scar (oui, Scar), y a trouvé une résonance très forte dans le personnage d’Arthur, ce roi désenchanté qui tente d’élever en vain une bande d’abrutis qui, tels que les dépeint Astier, ne méritent tout simplement pas d’être sauvés.
A ce titre, Arthur a particulièrement stimulé cet archétype dans la psyché de la Dissidence, eux qui tentent de mettre en lumière dysfonctionnements et pourritures du système et qui ont été confronté au déni obstiné de la masse. La dynamique logique en suivant cet archétype du renoncement aigrit est une pente glissante et dangereuse pour toute âme qui cherche à s’élever véritablement. Aujourd’hui ça m’apparaît avec clarté mais, à l’époque, je n’analysais pas avec ma grille de lecture actuelle ni ne réfléchissais véritablement à quelle partie de moi ça activait et pourquoi. Avec le recule et même si nous avons beaucoup rit, je peux dire que dès le départ Kaamelott n’a cultivé que le mauvais en moi, par cette jouissance mortifère de me sentir au-dessus de la masse et donc en droit de la mépriser.

Cette patte élitiste est caractéristique de l’univers d’Alexandre Astier, pour ne pas dire qu’elle en est le nœud du problème quand on prétend s’inspirer d’une Légende à la dynamique profondément Christique.
La Légende de la Table Ronde
Dans l’oeuvre originale, il est question d’un élu qui a pour tâche de réunir un royaume éclaté en clans, autour d’une table ronde ou chacun est différents mais égal à son voisin, au nom d’un Dieu Unique, afin de retrouver le Saint Graal (oui je la fais super courte).
Il ne s’agit pas d’unifomisation des clans mais bien de fédération, c’est à dire que chacun étant ce qu’il est reconnaît le Christ et la voie du Cœur comme l’autorité suprême, au dessus de tous les points de vue, de toutes les opinions et de toutes les ambitions. A ce titre c’est tout à fait transposable au processus d’un psychisme multiple qui rassemble ses morceaux sous la bannière du Cœur. D’un point de vue tout aussi scénaristique que psychique, tout sonne juste et fonctionne parfaitement. L’épique est au rendez-vous, les émotions dansent un ballet complexe et profond, l’esprit est nourrit de grandes valeurs et tend à s’élever.
Tout le contraire de Kaamelott, en somme.
La parodie, où est-ce que ça coince ?
Pour en revenir à Astier et Kaamelott, force est de constater qu’il y a des archétypes, bien plus que d’autres, qu’il répugne à mettre en valeur.
Dans la série, Perceval incarne l’innocence et la loyauté. D’un point de vue archétypal, il est le Coeur, l’enfant, la connexion au Divin. D’ailleurs dans la Légende, c’est lui qui retrouve et rapporte le Saint Graal et, dans les premiers Kaamelott, Arthur a une relation affective particulière avec son Perceval.
Maintenant revenons à la réalité extérieure d’Astier, il se trouve que l’acteur qui joue Perceval, Franck Pitiot, a refusé de rempiler car il n’aimait pas la manière dont l’auteur a fait évolué son personnage, très certainement trop dissonant de l’archétype du Coeur. Je trouve cette correspondance tout à fait remarquable du Coeur qui dit « non, je ne te suis pas », et l’on voit bien ici l’entremêlement subtil entre la réalité intérieure et celle à l’extérieur. Le personnage d’Arthur a refusé son destin Divin de servir, par la symbolique de l’épée replantée coiffée d’un « démerdez vous ! » D’un point de vue archétypal et dynamique interne, Arthur s’est polarisé en un Scar aigrit qui a renié sa connexion au Coeur et sa Mission. Conséquence, son feu s’est éteint et le Sens a disparu. Par ego bien plus que par tristesse, car le mépris du gueux est très présent dans son oeuvre, ce roi de pacotille a faillit à sa tâche, à savoir de fédérer autour du Coeur la multiplicité en une unité (oui, cette dynamique salvatrice est valable à toutes les échelles).
C’est quand même révélateur d’insister pendant des plombes sur un personnage (pour ne pas dire une projection) qui se sent à ce point infécond et qui en crève littéralement, alors que dans sa vie extérieure il a sept enfants. D’où lui vient cette fixette ? Ce sentiment bien présent et visiblement capital à exprimer pour lui fait partie de sa réalité intérieure et découle, selon mes connaissances en terme de psychisme, d’une rupture de la connexion au Cœur fédérateur, l’enfant intérieur.
Résultat, aussi bien dans ce dernier volet que dans sa propre psyché, Alexandre Astier nous a visiblement servit, si j’en crois les ouie-dires (ce que je crois), un film décousu et décevant, à l’image de l’errance de ses chevaliers qu’il divise, en les envoyant accomplir des quêtes absurdes qui ne débouchent sur rien et embrouillent la cohérence d’ensemble du scénario. D’un point de vue psychique, cette dynamique symbolique de la division est catastrophique. Je veux bien croire qu’Astier est très impliqué émotionnellement dans sa création, comme seuls peuvent l’être ceux qui utilisent l’art pour se rendre intelligible à eux- mêmes l’exploration de leur monde intérieur, ce que je respecte en soi. Mais son ego de bourgeois élitiste est encore bien trop enflé pour prendre la direction du Coeur. Il traîne les savates, comme on dit, et ça a un impact directement observable sur sa création au point où ça en devient compliqué de l’encenser, même avec la plus grande habileté du monde à cirer des pompes.
Ses personnages sont de plus en plus nombreux et creux, une multitude de fragments d’archétypes mal orchestrés, révélateur d’une dynamique de dissolution interne, de perte de cohérence. Ils se disputent tous entre eux, allant à qui clachera le mieux et, si ça fonctionne plutôt bien en petits intermèdes ci et là, c’est surtout le reflet criant d’une psyché sans Amour qui ne donne plus de fruits que ceux de la Discorde. Une oeuvre stérile comme peut l’être une Terre qui ne connait plus la pluie de Vie, stérile comme son Arthur, orgueilleux et triste roi pourrissant dans son propre parjure.
Une Renaissance possible ?
Tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir comme on dit et, bien sûr, Astier et Kaamelott pourraient renaître de leur cendres. A la seule condition cependant de remettre le Coeur au centre, aussi bien en lui-même que dans son oeuvre. Alors le Sens reviendra, les dynamiques sonneront justes et la critique sera aussi élogieuse que pleinement méritée.
Ce n’est pas plus compliqué que ça au final. Ce qui est compliqué en revanche, et je le sais pour l’avoir expérimenté dans ce combat contre mon ego spirituel, c’est de poser un genou à terre devant l’Amour guérisseur quand on est blessé et bouffi d’orgueil.
Une chose est sûre et je n’ai aucun doute là-dessus, s’il ne fait pas ce chemin intérieur avant tout, il restera incapable de porter le dénouement d’une telle Quête à l’écran, d’une manière qui sonne juste et touche l’âme des spectateurs.
Pour conclure
Par le passé j’ai beaucoup apprécié Alexandre Astier. C’est pourtant devenu difficile pour moi de continuer à lui trouver des excuses, humainement et créativement parlant, car l’apparente qualité de départ ne fait plus illusion, surtout depuis qu’il prétend jouer dans la cour du sérieux. La vérité c’est qu’il refuse sa connexion au Coeur, et quand je vois la manière dont il patauge à donner du Sens à sa dissolution ça me fait de la peine, pour lui, pour son Esprit tourmenté et pour son Coeur brisé.
Puis, ensuite, je l’écoute parler trente secondes dans l’une de ses nombreuses interview et sa suffisance parée d’un sourire de jouissance egocentré me fait dire à nouveau : « ben oui mon gars, tu ne fais rien qui t’aide et, en vrai comme dans ton film, t’es pas prêts de sortir du labyrinthe ! ».
De ce point de vue, Alexandre Astier était sans doute le moins qualifié pour parler de cette Quête Légendaire à laquelle il n’a rien compris, ni en tant que telle, ni en lui-même. Avec le bide de son deuxième film plus d’une décennie après, il paye tout simplement le prix de ses choix internes. A ce titre, on peut dire qu’il est la preuve par lui-même que ce chemin psychique est un cul-de-sac.
D’âme à âme, je ne lui souhaite plus qu’une seule chose aujourd’hui et qui sera la Source d’une renaissance, c’est que son cœur de Roi se rallume dans sa poitrine.
C’est donc la fin de cet article dédié au psychisme d’Alexandre Astier. J’aurai pu aller bien plus en profondeur, multiplier les exemples, séquences à l’appui, mais est-ce bien utile de digresser à la place du principal intéressé ? Personnellement je n’y apporterai pas davantage d’énergie et de temps.
Néanmoins, il me semble très à propos de conclure par ce court-métrage remarquable, du pur génie qui illustre ce qu’est un Roi, un vrai, qui triomphe de ses démons et rétabli le règne fédérateur du Cœur :
Merci de m’avoir lu !