Du point de vue de la Science

Qu’est-ce que la mémoire traumatique et qu’en savons-nous concrètement, par l’abstraction ?

L’une des descriptions cliniques qui m’avait le plus satisfaite il y a quelques années était celle-ci :

Le traumatisme induit par la violence, l’agression et l’abus sexuel engendre un effet de sidération du psychisme qui va paralyser la victime, la rendre incapable de réagir de façon adaptée et empêcher le cortex cérébral de contrôler l’intensité de la réaction de stress et donc, le contrôle de sa production d’adrénaline et de cortisol.

Ce stress extrême, véritable tempête émotionnelle, envahit alors la victime et parce qu’il représente un risque vital pour l’organisme par atteinte du cœur et du cerveau par excès d’adrénaline et de cortisol, il déclenche les mécanismes neurobiologiques de sauvegarde qui ont pour tâche de faire disjoncter le circuit émotionnel et d’entraîner une anesthésie émotionnelle et physique en produisant des drogues dures, morphine et kétamine like.

Cette disjonction isole la structure responsable des réponses sensorielles et émotionnelles de l’hippocampe. Ce dernier ne pouvant faire son travail d’encodage et de stockage de la mémoire sensorielle et émotionnelle des violences, elle reste donc piégée dans l’amygdale sans être traitée ni transformée en mémoire autobiographique. Elle va rester hors temps, non-consciente et à l’identique, susceptible d’envahir le champ de la conscience et de faire revivre la scène violente de façon hallucinatoire, comme une machine à remonter le temps. C’est cette mémoire, piégée dans l’amygdale et qui n’est pas devenue autobiographique, que l’on appelle la mémoire traumatique. La mémoire traumatique est au cœur de tous les troubles psycho-traumatiques et de nombreux troubles de la personnalité. Elle sera souvent responsable, non seulement de sentiments de terreur, de détresse, de mort imminente, de douleurs, de sensations inexplicables mais également de sentiments de honte, de culpabilité et d’estime de soi catastrophique qui seront alimentés, via la mémoire traumatique, par les paroles et la mise en scène de l’agresseur.

Si ce traumatisme est répété sur une longue période de temps, faisant de cet état le quotidien de la victime, la division temporaire, mécanisme de sauvegarde naturel et commun à tout à chacun, se cristallise en un cloisonnement permanent des personnalités éclatées. Chacune développant sa vie propre, ces personnalités peuvent se percevoir comme ayant différents âges et étant de sexes différents. Ces identités vivent dans un même corps, occupant tour à tour la conscience. Elles sont dotées de goûts alimentaires et de préférences vestimentaires différents, d’amis différents, de facultés intellectuelles et d’écritures distinctes, etc.

Sur le plan purement technique, mécanique et chimique, je valide cette description observable de ce qui se produit dans le cerveau et les conséquences sur le psychisme. Encore une fois, dans un soucis de faire concis, si le sujet vous intéresse, ne tient qu’à vous de faire vos propres recherches pour en découvrir davantage.

Bien évidemment en ce qui me concerne c’est très loin d’être le point final de ce qu’il y aurait à en dire, sous l’angle de l’expérience directe et des phénomènes psychiques inobservables.

De mon expérience personnelle

Inobservable ? Pas tout à fait puisque, par la création artistique, il est possible de poser un visuel sur ce qui est psychique et ainsi de lui donner du sens pour l’entendement. Encore faut-il que celui-ci daigne tendre l’oreille et considérer l’expression artistique comme une manifestation de phénomènes invisibles, par la symbolique et les archétypes.

Parlons de cette mémoire traumatique et de la manière dont elle se manifeste pour nous. Je considère, par expériences et observations sur moi-même, que l’Inconscient du matériel traumatique, la carte mémoire de l’enfer si l’on peut dire, ne se trouve pas dans le cerveau mais est stockée dans la strate la plus profonde du psychisme. L’une des nombreuses raisons qui me font dire cela c’est la sensation très nette que quand elle se déclenche, viscérale, elle remonte le long de ma colonne vertébrale, accompagnée de sueurs froides, jusqu’à gagner mon cerveau où la crise explose véritablement.

maya

kirlian
Ça c’est TA vision débile des choses !

Il s’agit donc, selon ma grille de lecture, de la strate du Ventre, de la polarité Yin. L’explication a beaucoup de phénomènes dit « inconscients » et surtout « non valides » se trouve dans cette subtilité propre à son fonctionnement, très différent de celui du Yang analytique.

A l’image bien concrète de la digestion, l’Inconscient (qui ne l’est pas du tout) va morceler tout ce qui tombe en lui (ce processus se retrouve selon moi dans la fabrication des rêves, territoire Yin de la Nuit). Pour reprendre l’exemple des légos désolidarisés, la fantaisie du Yin a là toute la matière nécessaire pour laisser parler sa créativité et contourner les barrières de l’état conscient. Quand des traumas sévères tombent dans l’inconscient par rejet de l’état conscient, le Yin tente alors de communiquer la vérité de leur traumas à son Yang (l’état conscient donc) qui persiste bien souvent dans le déni et la fuite en avant, maintenant mordicus que ses émotions et ces images terrifiques qui l’assaillent ne sont que des chimères, un bug dans son système. 

maya

kirlian
C’est un peu ça, oui… x)

De mon avis, après avoir été maintes fois précipité dans cet enfer, ce que fait remonter l’Inconscient est à la fois faux et vrai. Faux dans sa forme parce que l’image est déformée (du point de vue de l’état conscient rationnel), vrai dans le fond parce que la matière vibratoire et émotionnelle utilisée est authentique. A ce titre, on peut dire qu’elle est même plus conforme à la réalité puisqu’elle saisit l’essence même de l’expérience directe. Car ce père qui viole sa fille n’est-il pas psychiquement davantage un Ogre monstrueux qu’un être humain observable ? Une mère qui affame l’enfant qu’elle devrait tout naturellement nourrir en se nourrissant elle même de son énergie, n’est-elle pas davantage une Baba Yaga sur le plan vibratoire ? La réalité de mon expérience directe me répond que oui. La réalité pleine et entière est multi-complexe, et je ne pense pas qu’on puisse la limiter à une seule, à savoir la réalité dite observable.

C’est donc ici qu’entre en jeu le décryptage de la symbolique et des archétypes. D’une culture ou d’un folklore à l’autre sa forme physique varie, mais si l’on regarde l’ensemble de ces « mythes », il est assez clair que les mêmes archétypes se retrouvent partout. Selon moi, ils sont les incarnations physiques, intelligibles pour l’état conscient, de phénomènes d’origine psychique en lien avec la mémoire traumatique, qu’elle soit individuelle ou à l’échelle collective. 

kirlian
Je me souviens d’ailleurs que le deuxième Hiver après l’éveil, alors que K/Ouranos nous attaquait encore avec virulence et qu’on lui avait demandé qui il était, il nous avait répondu : j’ai tellement de nom.
k ouranos
Et je n’ai pas menti ! 8D

La mémoire Traumatique collective

J’en parle dans le dossier « Cinéma », je crois en l’existence d’une mémoire traumatique collective, directement liée à l’interconnexion subtile de tout ce qui est. A ce titre, les œuvres artistiques (expression du Yin pour rappel) de l’humanité sont une mine d’or d’enseignements.

Au début et pendant un temps, je pensais que toutes ces créations d’artistes qui vibraient si fort en moi, si justes et riches de sens, étaient les œuvres d’esprits qui codaient leur connaissance en pleine conscience. Mais maintenant je vois plus clairement à quel point tout ceci peu échapper à l’état conscient de son auteur, dans sa dimension de mémoire traumatique refoulée. Mon constat personnel est celui-ci : les messages de l’Inconscient ne sont, la plupart du temps, ni entendu ni compris en conscience.

Pour tenter de vous illustrer mes propos, voici deux courts extraits du même film, Retour à Oz. Le premier est une symbolique évidente de la multiplicité, manifestée d’une manière que je trouve absolument géniale, créative et belle. Le personnage en question a plusieurs têtes, chacune ayant sa mémoire, son apparence et son caractère propre :

La seconde arbore toute la symbolique d’un éveil soudain de la mémoire traumatique que Dorothy approche en conscience, afin d’obtenir un élément capital pour la suite de sa Quête. L’archétype de cette mémoire traumatique est ici celle de Gaïa dans l’une de ses représentations les plus classiques, celle de la Sorcière.

Cette scène est dynamiquement et symboliquement identique à celle, sans doute bien mieux connue, du film « Le Labyrinthe de Pan », à la différence toutefois que l’archétype est ici un Yang (un Ouranos affamé), là où Dorothy se confronte à un archétype Yin (une Gaïa dans l’hyper-contrôle) :

Terrifiant, n’est-ce pas ? Et ça l’est bien plus encore quand le phénomène est vécu intimement. Voilà pourquoi la majorité des gens préfèrent se focaliser sur l’extérieur de leur être, par cette terreur toute légitime de ce qui se tapit au fond d’eux. Et pour ceux qui se pensent clean à ce niveau, je reparlerai surement ailleurs de la question du transgénérationnel et de la patate chaude que nous laissent bien souvent nos ancêtres en héritage.

Pour en revenir au sujet, ce genre de films, où le protagoniste (souvent un ou des enfants) quitte la réalité de son quotidien pour entrer dans un Monde alternatif (le Royaume intérieur), fait de symboles et d’archétypes fantastiques, sont à mon sens l’analogie d’une plongée en soi-même, à la rencontre de ses parties dissociées et de sa mémoire traumatique (la Quête intérieure). Retour à Oz et le labyrinthe de Pan en sont deux exemples, mais on peut aussi penser à Narnia, Harry Potter, l’Histoire sans Fin et, bien entendu, l’oeuvre iconique d’Alice au pays des Merveilles. Ce genre de dynamique est caractéristique d’une forme de Shadow work, conscient ou inconscient, de la part de l’auteur.

Dans un autre format mais tout aussi conforme à cette dynamique, on peut citer Stranger Thing, dont une scène en particulier m’a touchée en plein Cœur :

La première fois que j’ai vu cette scène j’ai éclaté en sanglot, par bonheur bien plus que par activation de notre mémoire traumatique (que je sentais pourtant très proche), car j’avais vraiment le sentiment d’être comprise. Tout est là, la strate de la mémoire traumatique et l’archétype de son incarnation, la sortie hors du corps (lévitation), l’utilisation de la musique pour amplifier le signal des autres strates et changer de vibration, et la force des liens internes car, en ce qui me concerne, ce ne sont pas mes amis à l’extérieur de mon être qui me sont venu en aide (puisque je n’en ai pas), mais bien mes alters, avec leur fréquence vibratoire. Cette série m’a vraiment touchée en tout les cas, et est selon moi un emblème cinématographique des assauts cycliques de la mémoire traumatique à l’endroit de l’état conscient.

ouranos

 

 

 

 

 

 

 

 

maya
*éclate de rire*

Pour conclure, il me semblait important de souligner que tous ces extraits que je viens de vous montrer sont pour moi bien plus conformes à ma réalité psychique que tout ce qui peut se passer à l’extérieur de moi-même. Une communion intense accompagne toujours la découverte d’une oeuvre qui vibre par effet miroir, et il convient pour moi de remercier tous les artistes du Monde entier, toute époque confondue, pour m’avoir aidée et soutenue sans même me connaître, par leur travail d’exploration de l’Inconscient et de la matérialisation de ses messages, si riches d’enseignements. Au delà de ça et plus simplement, ils m’ont permis de me sentir moins seule au Monde.

Merci de m’avoir lu !