Profanation
« Tu ne vas rien sentir… »
murmura-t-elle d’une voix de velours en l’éperonnant de son dard.
« Pas encore… »
Dans une chambre à l’éclairage tamisé, un homme se trouvait allongé sur le lit.
Plongé dans la pénombre, la chemise déboutonnée, il n’avait pas compris pourquoi sa respiration s’était soudainement ralentie, ni la cause d’un corps pesant qui lui semblait engourdi. Étendue sur lui, une silhouette de ténèbres se tenait immobile dans la semi-obscurité. C’était une femme à l’époustouflante chevelure ondulant sur une chair de luxure, comme les vagues d’une mer d’ébène sur les dunes. Affectueuse, sa bouche safranée embrassait tendrement la gorge offerte de son partenaire.
— … qu’est-ce… que… tu m’as… fais ? articula-t-il, les lèvres ankylosées.
Un instant de silence cristallisa la scène puis elle lui dit :
« Sais-tu ce que ressent une femme sur le point d’endurer le viol ? »
Cette question posée, elle extrait lentement l’aiguillon de son artère jugulaire et se décolla de lui pour déposer la seringue sur la table de nuit.
Sa bouche revint aussitôt l’aduler.
« Son cerveau lui envoie un cocktail de morphine et de kétamine qui va inonder ses connexions synaptiques… »
Cela disant, elle glissa le long de son corps, le caressant du galbe charnu de son orifice buccal.
« Avinées, ses pensées sont confuses, ses fonctions motrices suspendues… »
Arrivée à hauteur du mamelon, ses dents capturèrent un pli de peau qu’elle mordit jusqu’au sang. L’homme n’eut aucune réaction alors elle relâcha d’emblée la chair entaillée.
« Elle ne ressent plus la douleur… »
L’esprit égaré, il tenta de lever le bras, en vain, tandis qu’elle défaisait la ceinture de son pantalon d’une gestuelle fluide et sereine. Le froc et le caleçon à mi-cuisses, son regard se perdait lentement en tout sens, tandis que la femme sourit en conjecturant la demi-mollesse de son appendice. Aussitôt sa main se glissa sous un pli de drap pour en sortir un scalpel, brandit maintenant bien en évidence devant elle. Quand il aperçut enfin le tranchant qui le narguait d’une danse circulaire, une terreur silencieuse s’éleva en lui. Elle approcha alors le bistouri de l’homme terrifié qui peinait à simplement s’oxygéner.
« Elle voudrait pouvoir dire non, mais sa volonté est écrouée… »
Arrivée à la hauteur du phallus recroquevillé, la lame passa outre pour lui préférer la paresse d’un début de bedaine. D’une précision chirurgicale, elle incisa alors son abdomen d’une ligne verticale qui dévoila les organes intactes. Aussitôt l’instrument déposé, sa main se fraya un passage pour plonger dans la chaleur d’un entrelacs d’entrailles. Le souffle de l’éventré se coupa.
« Elle se sent pénétrée dans ce qu’elle a de plus sacré, le cœur de son intégrité… »
Les doigts de la femme malaxait son corps intime et, fourvoyé par le poison, l’homme éprouvait d’étranges sensations. La profanation était douce et troublante, paralysie morbide et suavité inouïe. Inlassablement fouillé dans cette ivresse, son esprit s’efforçait de trouver la réponse.
« Est-ce délice ou supplice ? »
Le temps semblait s’être évaporé, figé dans la nébuleuse de l’énigme tandis que l’indiscrète allait et venait, tout à son aise, dans une truculence obscène. Puis, d’une expression granitique, elle redressa finalement la courbe de son corps et son visage s’assombrit. Un instant de silence cristallisa la scène et elle lui dit :
« Sais-tu ce que ressent une femme pendant le viol ? »
A ces mots, la main qui pressait son épigastre s’extirpa d’entre les boyaux. Son bras s’étendit alors vers la table de nuit et, d’un mouvement des doigts, elle tourna le modulateur de la lampe de chevet pour accentuer l’éclairage de la pièce. Le regard de l’homme s’écarquilla. Suspendu au plafond, un large miroir lui renvoyait cette scène abominable qui se reflétait sur sa rétine. Son visage en était devenu pâle puis blafard, épouvanté par l’ampleur du carnage. Une partie de son intestin s’était déroulée sur les draps sanguinolents et son ventre apparaissait comme une bouche béante qui lui tirait la langue.
« L’esprit, hagard, flotte au-dessus de ses chairs, il assiste à toute la scène… »
L’onirisme du supplice avait prit une toute autre dimension. Se voir ainsi lui donna la certitude d’être mort et de flotter, tel un fantôme, par-dessus son corps.
A genoux entre ses cuisses ouvertes, la femme rassembla sa chevelure qu’elle jeta derrière sa nuque. Déshabillée de sa parure, l’éclairage dévoila scarifié le sublime de ses formes. Tant de plaies, sans doute impossible à compter comme autant d’étoiles dans un ciel d’été.
« Cette image grave à jamais sur le parchemin de sa peau la nomenclature des outrages et elle fait ce serment ! »
Sa paume ensanglantée glissa sur cette armée de lésions et, tandis qu’elle badigeonnait certaines d’entre elles du sang de l’homme, le regard de celui-ci s’abîmait dans le reflet d’un théâtre dantesque.
« De le faire boire toute une nuit au calice des mêmes tourments ! »
La sentence prononcée, sa pleine attention se focalisa dès lors sur la verge au repos qui se tuméfiait à présent sous la fluidité de son mouvement de poignet. Le membre bandait avec fierté entre ses doigts de fée. Les traits de l’homme se crispèrent alors et la femme conjecturait le guerrier, les muscles saillants de ses mastoïdiens se congestionnés, ses veines frontales se gorger d’une fureur bâillonnée. Un instant de silence cristallisa la scène puis elle lui dit :
« Comme une brûlure, une émotion nouvelle jaillit, la corrode, la consume et, enfin, elle réalise… »
Son timbre s’était fait pesant. La braise et les flammes bouillonnait de sous l’asphalte et un regard acide sublimait de son courroux sa froideur de cire. La voix langoureuse de la femme se craquela alors comme se fend la terre et, fondant sur son visage ahuri, elle y cracha l’écume de sa bile.
« QU’ELLE LE HAIT !!! »
Tétanisé par la projection de son magma, la cible de cette démesure se ratatina mais la femme sourit aussitôt et, de son index, scella la bouche de l’homme.
« Chuuut, c’est inutile ! Puisque sa rage ne l’a jamais sauvée de lui… »
Elle l’enjamba ensuite et, guidant la verge à la lisière de son sexe, elle s’affaissa lentement. Le membre ensevelit, son bas-ventre frappa dès lors le tempo lapidaire de la baise. Les tripes dansaient. Rudoyé, son amant goûtait au mélange entre extase et agonie, se débattait mollement sous des assauts d’ivresse et de furie.
« Sans jamais capituler sa rage recule, cloisonnée puis ensevelie sous l’expansion d’une jouissance qui la fait vomir ! »
Les palpitations du plaisir escaladaient le canal de son urètre dans un tournis qui lui faisait perdre la tête. Les yeux de l’homme convulsaient, ceux de la femme le fixaient d’une appétence carnivore et guettaient l’instant.
« Et alors même qu’elle le maudit de tout son être… »
Il ne put plus la contenir davantage et un spasme violent étira soudain ses plaies béantes dans un râle intense.
« … elle le vénère par l’orgasme de sa chair ! »
La tête de l’amante bascula en arrière et son bassin se cambra pour l’empaler dans un ultime coup de bélier. Son ventre s’était empli de semence. Époumoné, la gorge nouée, des larmes perlaient pour s’écouler lentement sur les tempes de l’homme au regard défait. Un instant de silence cristallisa la scène puis elle lui dit :
« Sais-tu ce que ressent une femme après le viol ? »
Plongé dans le reflet de la psyché, sans doute son désarroi en avait-il une vague idée.
« Elle se sent laide… misérable… difforme… ravagée et bonne à jeter… »
Surplombé par une aria tout à coup cristalline, l’homme tremblotait en gémissant d’une gestuelle saccadée. Les tripes éparpillées, son ventre d’abord endolorit s’était fait pesant puis de plus en plus meurtri.
« Et ensuite… »
Survolté, son système nerveux lui adressait maintenant l’étendue des dégâts dans une intensité croissante.
« L’effet du cocktail chimique est en chute libre, sa douleur s’intensifie… ses pensées s’éclaircissent et elle redevient perceptible… la frontière entre plaisir et martyre… »
Assaillit, perforé, sa gorge libéra faiblement un râle interminable et ses doigts s’enfoncèrent dans le matelas, comme pour tenter de s’amarrer par-dessus l’abîme.
« Elle résiste… elle ne veut pas revenir dans cette chair, elle préférerait la mort… disparaître ! »
Tandis que la conscience aliénée de l’amant s’enlisait dans la géhenne de sa carne, la main de la femme sortit de sous l’oreiller une seconde lame. Recourbée comme une faucille, elle glissa lentement jusqu’à la jonction de leurs pubis.
« Mais rien n’y fait, petite âme, c’est le goût de l’inéluctable ! »
Les traits de l’homme se déformèrent alors jusqu’au ridicule tandis que la volute affûtée cerclait ses testicules.
« Allons… cet attribut qui fait de toi un mâle, tu n’en a plus besoin… »
Le tranchant buvait déjà de son sang.
« … puisque maintenant tu es une femme ! »
La voix gorgée de son ire, elle trancha d’un geste le sexe planté en elle. L’homme se crispa sans pousser un cri, l’expression distordue. Un instant de silence cristallisa la scène puis elle lui dit :
« Tu vas mettre environ quatre heures à mourir… »
Sans plus se préoccuper de lui, la femme se décolla et, en hâte, glissa la main tout à l’entrée de son vagin. Elle écarta ses lèvres avec deux doigts et, de l’autre main, pressa avec délicatesse sur le scrotum et son contenu pour le pousser à l’intérieur. A mesure qu’elle l’y pénétrait, un mélange de sang et de fluide s’écoulait le long de ses cuisses. De l’annulaire suivit du majeur, elle accompli alors de l’engloutir dans une satiété qui la fit gémir. Ce plaisir intense expiré, son périnée se contracta fortement pour achever d’avaler les attributs d’autorité. Elle en savourait encore l’extase quand une plainte souffreteuse s’éleva de l’émasculé. Un regard hivernal chuta sur lui. L’homme bougeait encore, son sang le quittait lentement.
Immobile, d’une beauté froide que l’on devine éruptive, elle se pencha avec délicatesse sur son front. L’ondulation de sa chevelure se déposa en gerbe sur l’oreiller quand elle murmura, du timbre le plus suave en y déposant un baiser.
« Merci… »
Elle l’enjamba alors pour quitter l’étendue du matelas. Sévère et sensuelle, elle glissa en essuyant l’hémoglobine de ses doigts sur l’étendue des draps de soie. Sa chair scarifiée s’était dressée et ses vêtements traçaient devant elle une allée sinueuse jusqu’à la sortie. La femme se pencha pour attraper sa pince à cheveux dont elle se servit pour les nouer en chignon. À quelques pas traînaient ses bas, plus loin ses escarpins. Son long manteau d’hiver l’attendait sur la bergère où elle l’avait jeté à son arrivée. La femme s’y assit, enfila ses longues jambes tailladées dans le velouté du nylon. Ses doigts maculés d’un bordeaux craquelé se gantèrent dans l’ébène et, sur le lit, l’homme balbutiait dans la torture de l’éveil. Chaussée, elle se leva et prit son manteau. Quand elle l’eut revêtu et boutonné de haut en bas pour dissimuler sa nudité, son regard fut attiré par la radio qui trônait sur la console de l’entrée. D’un sourire qui s’épanouit sublimement, elle alluma le poste avant de se tourner vers la porte.
« … ptionnel en ce moment chez Carrefour ! Carrefour, j’optimise !*** »
Un instant de silence cristallisa la scène. Sa main tourna ensuite la poignée et elle franchit le seuil sans se retourner, Hermaphrodite élevée au rang de Déesse que plus aucun mortel ne toucherait jamais.
« *** Nous revoici donc à l’antenne sur radio nostalgie, la radio de vos souvenirs, et nous sommes en janvier 1997 avec White Town pour Your Woman, c’est parti ! »
Dis-moi juste ce que tu as à me dire
J’attends depuis si longtemps d’entendre la vérité
Ce n’est pas du tout une surprise, tu vois…
Alors arrête les conneries et dis-moi qu’on en a fini !
Maintenant, je connais ton cœur, je connais ton esprit
Tu ne sais même pas que tu es mauvais
Voilà pour toutes tes manières marxistes haut perchées !
Tu te sers de moi et tu t’en vas
Mec, tu ne peux pas jouer avec moi de cette façon…
Eh bien, je suppose que tu disais vrai
Je ne serai jamais le bon genre de fille pour toi !
Je ne pourrai jamais être ta femme
Je ne pourrai jamais être ta femme
Je ne pourrai jamais être ta femme
Je ne pourrai jamais être ta femme
Quand j’ai vu ma meilleure amie hier
Elle a dit que depuis le début elle ne t’a jamais aimé
Et bien moi, j’aimerais pouvoir dire la même chose
Mais tu as toujours su que tu tenais mon Cœur
Et tu es un homme si charmant, si beau
Maintenant, je crois que je comprends enfin…
C’est dans tes gènes ?
Je ne sais pas encore
Mais je vais bientôt le découvrir, c’est sûr !
Pourquoi as-tu joué avec moi de cette façon ?
Eh bien, je suppose que tu disais vrai
Je ne serai jamais le bon genre de fille pour toi !
Je ne pourrai jamais être ta femme
Je ne pourrai jamais être ta femme
Je ne pourrai jamais être ta femme
Ho, je ne pourrai jamais être ta femme
Eh bien, je suppose que tu disais vrai
Je ne pourrai jamais passer ma vie avec un homme comme toi !
Je ne pourrai jamais être ta femme !
Je ne pourrai jamais être ta femme !
Je ne pourrai jamais être ta femme !
Ho, je ne pourrai jamais être ta femme !