Une plongée en soi

Commençons par ce qu’il faut savoir en préambule afin de bien comprendre ce qui se nomme « shadow work » (parce que c’est le terme le plus largement connu pour désigner cette pratique), mais que je préfère appeler « transe dissociative » ou encore « art-thérapie », les trois désignant à mon sens la même dynamique introspective.

Le Shadow work consiste donc, comme son nom l’indique, à travailler avec l’Ombre en soi. Plus concrètement, il s’agit de plonger volontairement dans les ténèbres de son Inconscient, afin de mettre conscience et amour sur ses blessures refoulées. Cette pratique est donc, selon mes termes, de l’Alchimie psychique qui vise à transmuter notre âme par l’entreprise d’une quête intérieure.

Si vous désirez approfondir la question, ce que je ne ferai pas ici en des termes purement théoriques, Carl Gustav Jung est l’incontournable et le pilier de cette approche qu’il expose avec brio.

Pour ma part, je l’ai découvert sur le tard pour constater, non sans en ressentir une grande joie, que j’avais déjà la bonne manière de pratiquer et ce depuis l’enfance. Bien sûr, comme tous les autodidactes, tout domaine confondu, j’ai mon propre modus operandi, parfois tout en diagonal de la théorie classique.

Il est donc inutile d’incendier ma boite mail pour me vociférer que « non, le shadow work c’est pas ça, tu dis n’importe quoi et blablabla ».

Mon chemin, je me le suis tracé toute seule, à la force de ma volonté et avec les outils qui étaient à ma disposition. Fatalement mon approche va sortir des clous et j’estime que c’est en ça qu’elle mérite d’être écoutée, puisqu’elle peut potentiellement enrichir la vôtre. A ce titre, je ne me revendique de rien ni personne, d’aucun courant, d’aucune bannière.

Dans ce vaste domaine de l’expression humaine il y a : ce que j’aime et qui vibre – ce qui me laisse indifférent et m’ennuie – ce que je n’aime pas et qui me fait vomir. Je peux ressentir une grande connexion avec certaines âmes au point de dire que nous sommes probablement des pièces voisines dans le puzzle du grand Tout, mais en aucun cas cela ne m’interdit de dévier de leur trajectoire propre pour exprimer ma vérité.

Cela étant dit, entrons dans le vif du sujet.

Les observateurs

Vous l’avez bien compris, cette « spéléologie » de l’Ombre permet la mise en lumière des choses cachées et qui agissent bien souvent à l’issu de notre état conscient, via ces zones d’ombre. Qu’est-ce qu’une zone d’ombre ? C’est un endroit de soi-même que l’on répugne à regarder car cela entache notre superbe, plus précisément ce que l’on donne à voir de nous aux observateurs extérieurs, et qui nous renvoient cette projection partielle (donc fausse) de nous-même.

En mécanique quantique, une particule est tout à la fois. Elle ne change de comportement et ne se fige en potentiel que si elle est soumise à un observateur. Ce phénomène se retrouve selon moi dans les rapports humains de manière tout aussi directe.

Pour parler un peu de la façon dont je vis cet état de fait : je sors de chez moi pour aller faire des courses. En chemin et sur place, je vais croiser nombre de gens qui vont poser le regard sur moi. Que je plaise ou déplaise, à chaque fois qu’un regard s’arrête sur mon être, je sens immédiatement que la pensée générale de ce regard me limite dans ce que je suis (un être multi-dimentionnel en conscience), parce qu’il ne peut pas le concevoir. Le sentiment hautement désagréable qui s’ensuit est vertigineux. A ces yeux je ne suis rien de ce que je suis en réalité, limité par ce regard d’une conscience limitée.

maya
Vous avez donc la réponse à « pourquoi Kirlian ne sort jamais de chez lui ? »
kirlian
Hé bien oui, être vu s’est être limité à ce que les autres perçoivent et nous renvoient, c’est à dire pas grand chose à la lumière de ce que je perçois en moi (qui n’est rien à côté de toute l’information qu’il y aurait encore à percevoir). Tout cela pour dire que je sortirai davantage de ma précieuse grotte, là où je suis libre d’être le Tout, le jour où l’image que me renverront les observateurs sera un peu plus conforme à ce qui est. D’ici là les regards extérieurs sont une expérience désagréable et parfois même souffrante, qui ne m’apporte rien de positif et me figent dans ce que je suis pas. A ce titre je classe ce genre d’expédition dans la catégorie des « le moins souvent possible »

Je conseille donc d’éviter la présence de regards extérieurs (genre atelier et compagnie) dans un processus créatif à visée thérapeutique, car cela poussera l’état conscient à brider l’élan de son Inconscient, afin de maintenir en place ce faux-self qu’ils nous renvoient. Le shadow work bat son plein et porte ses meilleurs fruits à l’abri des regards, là ou aucun observateur ne viendra définir, même partiellement, ce qui doit être exprimé. Il existe autant de façon de pratiquer le shadow work qu’il y a d’êtres humains. Chacun possède son Royaume intérieur, qu’il en ait conscience ou non, et la quête consiste donc à explorer ses vastes terres. Pour ce faire, rien de tel qu’une pratique artistique, en phase avec votre fonctionnement de départ. Pour certains ce sera la sculpture, pour d’autres l’écriture, la peinture, la musique, etc.

La chose importante à retenir est celle-ci : la création artistique est le langage codé de l’Inconscient.

Un langage symbolique

Ma propre expérience me l’a souvent prouvé, la partie « inconsciente » de mon psychisme est agissante et tente de communiquer avec l’état conscient. Il y a donc toute une symbolique à décrypter, de la même manière qu’il faut apprendre la langue d’une autre civilisation pour une qualité optimale des échanges. Dans ce cas ci, ce serait comme ouvrir un dictionnaire de la symbolique des rêves, afin d’en comprendre les messages. Rêve et vision artistique ont en effet en commun d’utiliser ce langage hermétique, propre au Yin, et que le Yang a au départ toutes les peines du monde à saisir. Il convient donc avant toute chose d’éduquer son esprit, son état conscient, à lire les messages dans le message, par l’acquisition des connaissances en matière de symbole.

Mais qu’est-ce qu’un symbole ? La définition nous dit : être, objet ou fait perceptible, identifiable, qui, par sa forme ou sa nature, évoque spontanément (dans un groupe social donné) quelque chose d’abstrait ou d’absent.

A cela j’ajouterai qu’il est un langage à part entière car il contient en lui une grande quantité d’information qui, sous une forme écrite ou verbale, demanderait un temps considérable pour développer tout ce qu’il implique. Le symbole apporte une compréhension instantanée d’un concept complexe, offrant une vision plus riche et profonde. Ainsi, dans une oeuvre artistique utilisant en conscience ce langage symbolique, ce sont des phrases de symboles qui sont composées, chacun d’eux contenant sa masse d’information propre. 

L’esprit Yang en contemplation va alors s’abstraire de l’oeuvre et prendre le long chemin de la conscientisation du message complexe, livré par son Inconscient (où l’Inconscient d’un autre s’il s’agit de contempler l’oeuvre d’un artiste). Mais pendant que l’état conscient analyse et tente de comprendre, l’Inconscient, lui, avait déjà parfaitement compris le message par l’instantanéité des symboles, sa langue maternelle. Suivant cette logique, on comprend assez vite qu’il existe une autre réalité d’interactions entre les êtres, laquelle échappe le plus souvent à notre état conscient.

 Concrètement

Il faut donc en tout premier lieu laisser la parole à l’Inconscient, afin qu’il puisse faire remonter les messages. Pour ce faire, n’essayez pas de mentaliser et de guider la création. Au contraire, mettez votre cerveau en pause et entraînez-le à laisser le Yin s’exprimer à sa guise, via le support que vous aurez choisi. L’important n’es pas de créer une oeuvre belle et complexe, de celles que l’on pourrait exhiber fièrement aux regards d’admirateurs/acheteurs. Si vous tentez cette quête profondément spirituelle, préparez-vous à être seul avec vous-même (la voie étroite, encore une fois), pour le pire, certes, mais également pour le meilleur.   

Au départ, si ce qu’il en ressort vous semble trop abstrait et décousu, détrompez-vous, car l’Inconscient ne s’exprime jamais pour ne rien dire de significatif, même sous une forme des plus grotesques. Il vous faudra parfois des années avant de comprendre le sens caché et de vous émerveiller face à cette Magie. A force de pratique vous en ressortirez, à terme, talentueux et pleinement conscient (autant qu’il soit possible de l’être à notre échelle humaine, bien entendu).

Si vous n’arrivez pas à créer, pas de panique, d’autres le font pour vous. Une oeuvre vous plait, vous attire, vous intrigue, vous révulse, fait vibrer quelque chose au dedans ? Alors posez-vous face à elle et essayez de comprendre pourquoi et où cela vous touche. Votre Inconscient le sait déjà, lui, et vous signale qu’il y a ici quelque chose d’important à comprendre. Accordez le temps qu’il mérite à cet appel à la contemplation et vous en récolterez les fruits.

Que dire de plus ? Chaque chemin est unique, une expression de l’infini des potentiels. Ce sera parfois très souffrant mais gardez à l’esprit que chaque douleur consommée est une douleur qui ne reviendra plus faire trembler vos fondations. Tout au long de se parcourt, et si vous l’arpentez avec courage et foi en l’intangible, alors vous serez les témoins de phénomènes intérieurs incroyables qui rendent à l’existence tout son Sens et sa saveur. Bien sûr, mon approche n’est pas vraiment compatible avec un 35 heures/semaine et tout ce qui tourne autour de la vie dite « active ». Si vous désirez réellement avancer sur cette voie, il vous faudra renoncer (pour un temps certain tout du moins) à l’agitation extérieure et aux aspirations sociétales. Car, en effet, le Divin récompense avec Justice chacun d’entre nous, et sa mansuétude n’a pas de limite quand l’âme se donne toute à Lui et le reconnait comme sa seule joie, son bonheur parfait.

Mais si vous êtes présentement tout occupé à lire ces lignes, vous le savez probablement déjà.

J’en ai donc fini avec l’introduction. Hé bien oui, je ne fais que de donner des pistes vers votre chemin propre, non l’encyclopédie (rentable) d’une marche à suivre dogmatique qui voudrait uniformiser le Monde à son image. Pour la suite, vous trouvez dans cette catégorie Yin un certain nombre de dossiers tournant autours du shadow work, tel que je le pratique, à la seule fin d’inspirer mon prochain à plonger en lui-même de manière méthodique et consciente. Pour le reste, il vous appartient d’avancer seul, en la compagnie discrète du Divin, et de faire vos choix.

Bonne balade !