Un modus operandi de longue date

J’ai toujours été attirée par les arts. Pendant longtemps, le dessin a été mon mode d’expression de prédilection. J’ai énormément dessiné, tout au long de ma vie, malheureusement il n’en reste que peu de trace. En effet, en pleine tribulation de l’éveil, Timora a presque tout jeté au feu, dans une volonté d’étouffer la vérité. Je n’ai réussi a récupérer que ce qui avait été numérisé au préalable. Autant dire que nous avons perdu 99% de nos illustrations, les plus anciennes datant de notre enfance. Si cela m’est resté longtemps en travers de la gorge, aujourd’hui j’en ai fait mon deuil, mieux encore ils sont toujours gravé dans ma mémoire.

Durant l’adolescence notre psychisme, alors typé Yin, avait une passion pour les mangas papiers (j’aborderai ailleurs la question du Japon et de la dissociation traumatique, car cette attraction est loin d’être le fruit du hasard). Notre style graphique, déjà bien influencé par les dessin-animés de notre enfance, s’est très vite calqué sur l’esthétique nippone du shojo (manga pour jeunes filles).

C’est ainsi que sur la période entre mes 16 et 25 ans est née la toute première histoire écrite ensembles, dans la plus totale inconscience de sa réalité profonde. J’ai pour cette époque du pré-éveil une tendresse particulière et de la compassion pour nous-même. Je ne peux m’empêcher de sourire en relisant certains passages où symboliques et archétypes me racontent une version édulcorée d’une sempiternelle vérité, celle de nos traumas d’enfance et de nos dissensions internes.

Lysis

Dessiner était un besoin quasi frénétique d’ordonnancer et de donner corps aux forces psychiques qui s’agitaient en moi. Nous dessinions à chaque fois qu’il était possible pour nous de s’isoler, loin des regards, pour nous focaliser sur nos dialogues intérieurs. A force de capturer chaque émotion, la pile de nos dessins remplissaient sur la fin deux caisses entières.

Malheureusement, comme mentionné plus haut, la quasi totalité de nos dessins papiers ont été détruit. Le peu que j’ai pu récupérer de Lysis est au nombre de douze illustrations (celles que j’avais numérisées pour la mise en couleur). C’est très peu mais ça permet néanmoins de se faire une idée de notre état de conscience de l’époque, encore sous le joug de l’amnésie. Nous avions alors d’autres noms, d’autres apparences, mais toujours symboliquement lié à notre essence qui, elle, n’a jamais changé de nature.

Gem était Evy, Thanatos était Kirlian, Chaos était K/Ouranos, Sigrid était Scar (Kim et Josy ont même conservé leur nom de l’époque, sans doute parce qu’ils n’étaient pas une référence à un archétype mythologique).

 

maya
J’adore, on avait trop des têtes de bébés mais c’est bien nous, aucun doute ! 💕
kirlian
En effet, on a grandit, prit en maturité, mais on est resté les mêmes *sourit*

Pourtant, on sent déjà un je-ne-sais-quoi d’innocemment malsain et, avec le recule, Lysis était véritablement notre première oeuvre auto-prophétique, annonçant notre multiplicité et l’existence d’une mémoire traumatique à l’explosion fatale, dont le compte à rebours avait été enclenché depuis déjà une décennie et demi.

Et ce qui devait arriver arriva, douze longues années plus tard.

Mais avant d’y venir, j’ai envie de placer un extrait de Lysis afin d’appuyer sur un point qui me semble important. L’aspect auto-prophétique soulève la question d’une conscience agissante, pourtant appelée « Inconscient ». Tout au long de ma quête, je me suis constamment confronté à cette conscience qui semblait tout orchestrer, tisser la toile du chemin qui réceptionnait chacun de mes pas. Un sens profond et une précision millimétrique était sa seule signature, comme si une partie de moi savait déjà tout et se jouait du Destin. Insoumise aux lois du temps et de l’espace, elle nous a guidé en peignant partout notre vérité. Le peu que mon état conscient pouvait en conscientiser sur l’instant laissa place à ma stupéfaction de constater régulièrement que tout m’avait déjà été dit, un million de fois. Je n’avais tout simplement pas la capacité de le voir avec cette clairvoyance qui est la mienne aujourd’hui. Déchiffrer le langage de l’Inconscient est une capacité que j’ai travaillée sur plusieurs années, et c’est devenu aujourd’hui ma grille de lecture principale pour appréhender le Monde.

A cette époque de Lysis, nos capacités cognitives étaient largement bridées par la dissociation, non conscientisée. J’avais 17 ans, une connexion très limitée avec notre Yang et sa capacité à comprendre et structurer la complexité. D’autre part, cette forme archaïque de dialogue préfigurait la manière dont nous allions communiquer en conscience, post-éveil, et dont la forme la plus aboutie est celle que nous utilisons sur ce Blog. Ça me fait sourire, de constater ce modus operandi, inné chez nous, d’utiliser l’art pour communiquer et guérir. Plus encore, de voir à quel point tout a toujours eu un Sens qui me dépasse complètement.

Mais trêve de blabla !

Extrait Lysis – Tome 5

Sigrid : Pourquoi est ce qu’on doit attendre ici ?!

Thanatos : Ça ne concerne que Gem, c’est déjà assez difficile pour elle.

*Souvenir de la veille* Lia : Grâce à mon pouvoir je vais matérialiser tes souvenirs, de cette façon tu y verras plus clair.

Thanatos : Il faut la laisser seule dans un premier temps !

Youri : Je ne suis pas d’accord, Gem est trop fragile que pour rester seule, il faut la soutenir !

Kim : Je crois que ce qu’il veut dire c’est que cette épreuve est la sienne…

Youri/Sigrid : On ne peut pas la laisser seule !!

Nico : Eh bien, je suis ravis de voir que vous tenez à ce point à elle.

Youri/Sigrid : … *tirent le tronche*

Thanatos : J’espère qu’elle ne découvrira rien de trop insoutenable…

Dehors

Lia : Place toi à genoux dans le cercle !

Gem : Tu vas vraiment pouvoir faire ça ?

Lia : Ne t’inquiète pas, tous ce passera bien ! *sourit et récite une incantation, le cercle se met a briller*

Gem : …

Lia : On va y aller, tu es prête ?

Gem : Pas vraiment… *sourire forcé*

Lia : *sourit* Une dernière chose, le sort sera opérant tant que tu resteras dans le cercle. Si tu le quittes, je perdrais la connexion. Je vais te projeter dans tes souvenirs, tu risques de voir des choses qui vont t’effrayer mais n’oublie pas que ce ne sont que des images, en aucun cas elles ne peuvent te faire de mal, d’accord ?

Gem : D’accord !

Lia : C’est parti !

Après d’autres incantations Gem voit le décor changer et elle se retrouve dans un château.

Gem : Encore ce château… C’est certainement celui dont parlait Thanatos…

***
passage coupé au montage
***

Soudain le vent se lève et le décor disparaît.

Gem : Qu’est ce qui se passe…

Elle se retrouve à nouveau devant la fameuse porte et frisonne.

Gem : C’est… Non, du calme ! Lia a dit qu’il ne pouvait rien m’arriver….

Elle ouvre la porte, la pièce à l’intérieur est sombre.

Gem : … Courage !!

Elle fait un pas mais une ombre s’avance vers elle, c’est Chaos, le corps recouvert de sang.

Gem : *hurle, recule, tombe en arrière et continue de reculer, quitte le cercle et le sort est interrompu*

Lia : Gem !!

Gem : *hurle encore et s’enfuit en courant*

Lia : Gem, arrête de courir, c’est fini !

Deux minutes plus tard,

Gem : Lia, je suis désolée…

Lia : Ahah, ce n’est pas grave, ne t’en fais pas !

Gem : Si, j’ai tout gâché, je suis vraiment stupide…

Lia : Il est vrai que je t’avais prévenu de ne pas paniquer…

Gem : Snif…

Lia : Mais j’ai très bien pu ressentir l’effroi qui s’est emparé de toi et ta fuite était justifiée.

Gem : Justifiée ?

Lia : Oui, je n’ai pas eu le temps de savoir ce que c’était mais ce que tu as un jour découvert dans cette pièce est la cause de l’une des deux grandes blessures de ton âme.

Gem : Une des deux blessures…

Lia : La première est sans aucun doute lié à Lysis, mais ça c’est un autre problème.

Gem : Lysis… Pourquoi ce nom me fait-il monter les larmes aux yeux ?

Lia : Allons, ne t’inquiète pas, il n’y a rien d’insurmontable pour la volonté et tu as la chance d’avoir des amis sincères, qui s’inquiètent pour toi. Cette chance te donnera bien plus de force que tu ne peux encore l’imaginer.

Gem : Lia…

Lia : Tous finira par s’arranger, tu verras, car dans un brouillard tellement épais qu’il ne distinguait plus ses pauvres chaussures trouées, Oliver cherchait désespérément son grand-père qui avait été si bon avec lui et… *lit son bouquin*

Gem : … Lia !!

Lia : Ahaha, excuse moi ! *referme le livre*

***

Dans cet extrait sont abordés l’amnésie, le traumatisme et la pratique du shadow work (exploration et travail avec l’Ombre/Inconscient en soi). Evy (Gem) n’avait aucune conscience du sens de ce qu’elle écrivait/dessinait, et dans son cas on peut vraiment parler « d’écriture automatique », où l’Inconscient est en réalité aux commandes.

k
Et c’est aussi fendard pour lui que pour vous d’indiquer l’épicerie du coin à un aveugle, sourd et muet !
maya
*est toute nostalgique de Lysis*
kirlian
Tu m’étonnes, une si grande oeuvre *tousse*
k
Bha, aujourd’hui on a acquis les compétences littéraire pour remettre Lysis à niveau, ça pourrait être marrant ! 8D
kirlian
Une version héroïque fantasy d’Interius qui, lui, est largement plus abouti, est-ce bien nécessaire ? Je préférerai me focaliser sur l’achèvement d’Animamea, à ce compte-là !
k
C’est vrai qu’il y a ça aussi… Boss, j’adore vivre dans ta tête ! 8D
kirlian
Sans commentaire… Point suivant !
maya
Tic-tac, tic-tac, BOUM !!

L’Éveil et la mémoire traumatique

(rappel warning)

Alors que nous avions arrêté de dessiner (et plus largement de dissocier au point d’être en état de transe perpétuelle) pour que Evy/Josy puissent se consacrer à une vie de famille à plein temps, l’envie frénétique est soudain revenue, quelques mois avant la levée violente du sceau de l’amnésie. D’une intensité supérieure aux transes dissociatives de notre adolescence, Evy eut tout d’abord le sentiment merveilleux de se retrouver elle-même à l’approche de l’essence de Kirlian, ce fantôme de son passé qui avait toujours veillé sur elle. Je la revois, dans son besoin ineffable de l’étreindre, enlacer le peignoir suspendu au porte manteau de la salle de bain et murmurer : « tu m’as tellement manqué ».

k
Boss, si nostalgique, quand tu racontes cette anecdote tu perds toute crédibilité, tu en as conscience ? 8D
scar kirlian
Je m’en cogne et je t’emmerde !
k
Quelle soupe au lait… 8D

Mais les retrouvailles allaient être de courte durée, puisque la première vague de la mémoire traumatique hors champ n’aillait pas tarder à la frapper de plein fouet. Les alters porteurs de traumas s’insurgeaient dans nos productions, réquisitionnant notre état conscient pour produire à la chaîne l’illustration des horreurs refoulées. D’un tout autre style, plus sombre, sale et pesant qui nous était inconnu jusqu’alors, Timora, Scar et Ouranos furent les premiers à nous communiquer les traumas. Cette première vague fut celle de la terreur, de la colère et du Monstre, et s’est étalée sur trois mois de cauchemar éveillé, avant de commencer finalement à décroître d’intensité.

Là encore beaucoup de ces dessins réalisés sur cette période ont été brûlé par Timora, peu de temps après. Mais ceux-ci ont échappés à leur sort, bien cachés dans une farde qu’elle n’a pas pensé à fouiller.

 

Voici donc ce qui se cachait derrière la fameuse « Porte » de l’extrait de Lysis, écrit douze années en amont dans un état d’amnésie. Je pense que si l’on peut concéder une qualité à ces quelques tentatives survivantes, c’est d’avoir réussi à cristalliser la pesanteur aliénante qui s’est abattue sur notre âme, avec pas moins de 27 ans de latence.

Répétition et Emprise

L’Hiver suivant, ce fut au tour de Saya de se manifester dans nos créations. Pour la petite anecdote, c’est un titre de Gainsbourg qui déclencha une transe dissociative, laquelle perdura pendant plus d’une semaine. Je ferai surement un article qui lui sera entièrement consacré, car il y a beaucoup à analyser de mon point de vue. Pour l’instant, je me contenterai de dire que la manière qu’il a de poser sa voix, suavement autoritaire et hypnotique, à le pouvoir certain de créer une emprise. A plus forte raison sur des psychés Yin, porteuses d’une amnésie traumatique de nature charnelle. Selon mes termes, Gainsbourg avait un Ouranos qui prédominait sur son psychisme, ainsi Saya a-t-elle instantanément reconnu son essence pour entrer en connexion intense avec sa musique.

ouranos
*dégorge un rire gras*

kirlian scar
… Tu me fais gerber !
josy gaia
Allons, il sait très bien que ce genre de manipulation vibratoire ne fonctionne plus depuis que Gaïa est dans la place… 😏
k ouranos
*met son plus beau chapeau*

josy maya
*bâillonne Maya pour l’empêcher d’éclater de rire* Hé oui, c’est comme ça !
kirlian
Pas de souci, faites-moi signe quand vous aurez fini de flirter en plein milieu de mon article… x)

Ce qui est intéressant dans cette série de la deuxième vague, c’est la notion visuelle de la dissociation, celle des auras (strates vibratoire). Mouvements décomposés, couleurs très vives, conscience nébuleuse, tout cela est du à la chimie du cerveau qui, si je ne l’ai pas encore précisé ailleurs, envoie un cocktail de morphine et de kétamine like, lequel engendre la dissociation. Dans le cas de viols répétés sur une longue période de temps, les mécanismes induits par la manipulation psychologique de l’agresseur vont rôder le tempo dissociatif de la victime.

La mise en place d’une emprise perverse est ici bien suggérée. 

Suite à cette transe, j’ai pu mieux comprendre les mécanismes toxiques de notre sexualité. Quelques mois plus tard, Evy faisait un burn-out et son essence est partie en stase pendant une année entière. C’est à cette époque que le Yang prit les commandes, afin de reprendre le contrôle de notre vie et entamer ce long travail de guérison de notre âme. J’ai délaissé pour un temps l’illustration et me suis tourné vers l’écriture d’Interius (disponible à la lecture dans la catégorie « Textes »).

Ce fut là que la véritable quête en pleine conscience commença.

Animamea

Écrite en parallèle d’Interius, cette histoire est un peu particulière dans sa mise en forme, puisqu’elle se découpe en 9 actes, à la manière d’une pièce de théâtre. Lyrique et scénique, ce style est totalement assumé, du premier au dernier mot. A l’origine, elle devait se présenter visuellement comme un livre illustré, avec toute une partie BD. Pourtant, je n’arrive pas à me sentir satisfait de mon niveau en dessin. Même s’il est indéniable que notre trait a prit en maturité, ça reste compliqué de m’éloigner du style manga tant il est ancré. C’est donc à cette période que je suis passé au montage photographique dont le Tarot en est l’exemple le plus représentatif. Une petite pirouette, certes, mais bien plus amusant dans la réalisation et très satisfaisant au niveau du rendu final.

Graphiquement, Animamea est une tentative ratée de fusionner dessin et photo-montage, ce qui m’a convaincu de renoncer à l’utilisation du premier et de laisser toute la place au second. Mais à partir de ce point c’est un autre sujet qui a sa catégorie propre.

J’ai malgré tout une tendresse particulière pour cette création et je compte bien la finaliser d’une manière ou une autre, un jour prochain.

 

Nous en avons donc fini avec la partie Dessins et, ma foi, je suis plutôt content. Je ne m’attendais pas à ce que cette chronologie soit aussi parlante et riche de sens, malgré le peu de matière que j’avais à y apporter.

J’ai bien envie de clôturer par un extrait d’Animamea qui me redonne toujours du baume au Cœur :

 

« Au bout de huit millénaires naîtra,
Une fille Albas et un mâle Purpura,
Tous deux à l’union consentiront,
Dans un corps où ils se mélangeront,
Alors s’accomplira la splendeur d’Animamea,
Car son être sera un et non plus trois. »

 

« Toute petite déjà, je faisais d’affreux cauchemars.

Au pied de mon lit, des ténèbres animées pourvues de mâchelières qui dévoraient ma lumière… Et quand ma conscience terrifiée s’en extirpait enfin, vous étiez toujours là… Cognitionis… sans doute étiez-vous conscient que la petite fille que j’étais souffrait de l’absence d’un père inflexible, un mur de silence et de pierre érigé par lui-même… Ainsi endossiez-vous ce rôle paternel, autant qu’il vous fut-ce possible de le faire, en guettant depuis le couloir l’instant où mes pleures jailliraient de mes cauchemars. »

— Cognitionis !! s’écria-t-elle avant de plonger sa terreur dans les replis de sa toge.

— Princesse Aurora… soupira-t-il avec tendresse en refermant ses bras sur elle. Le protocole veut que vous me nommiez « Grand Chancelier ». Que va dire le Roi, votre père, s’il vous surprend encore à m’appeler par mon nom ?

Immobile et blottie, elle ne répondit pas et au bout de quelques minutes passées à caresser délicatement sa chevelure satinée, le Chancelier demanda :

— Vous êtes-vous assoupie ?

— Cognitionis… murmura-t-elle alors, la voix apaisée. Je voulais vous demander… est-ce que tous les Purpura sont aussi gentils que vous ?

— … Je ne comprends pas votre question véritable.

Embarrassée, elle s’efforça à la reformuler.

— Et bien je voulais savoir si… si le Prince à qui je suis promise aura à cœur de se faire, lui aussi, le gardien de mes nuits.

Cette formulation parfaitement intelligible, il fronça les sourcils de manière imperceptible quand se suspendit le mouvement de main qui la câlinait.

— Ce sera à vous d’en juger le moment venu.. Mais sachez que ces cauchemars qui vous tourmentent reculerons à mesure que se forgera votre raison qui a vocation à les combattre. Et pour ce qui sont des qualités royales qui doivent vous agréer, prenez toujours en référence ce modèle que vous offre quotidiennement votre père.

A ces mots, elle soupira tristement.

— Père n’est jamais là à mon réveil, il ignore tout de mes mauvais rêves et se fâche quand je les évoque du bout des lèvres…

Quelque peu désarmé face à une réplique si chagrine, le Chancelier qui sur ce point ne pouvait agir répondit alors ce qu’il convenait de dire.

— Les journées et les pensées de votre père sont absorbées par d’autres exigences, méconnues de l’enfance. Beaucoup de choses s’éclaireront d’elles-mêmes quand vous deviendrez une Reine. Quand la petite fille aux yeux plein de larmes s’épanouira en Femme.

Le Chancelier borda la toute jeune héritière et, après lui avoir souhaité de plus jolis songes pour achever sa nuit, se retira en refermant la porte sur ses pas.

— Cognitionis… l’interpella-t-elle quand il suspendit son geste. Cette couronne de montagnes qui nous protège autant qu’elle nous emmure, j’aimerais… qu’elle se désagrège…

A cette déclaration gorgée des utopies charmantes d’un cœur d’enfant, il sourit puis, d’un regard aimant, lui répondit :

— Alors ayez foi en la Prophétie ! En ce monde où nulle autre que vous ne goûte à cette suavité, elle est votre meilleure alliée.

La porte allait se refermer quand, au-delà des convenances et de toute considération rationnelle, il murmura encore :

— Faites ce pour quoi vous êtes faites, ma petite Princesse, envers et contre tout et quoi que cela puisse être !

Merci de m’avoir lu.